Portrait #1: soldat dans l'armée belge
- Alinoë
- 8 mai 2020
- 8 min de lecture
« Si tu respectes une personne et qu’en retour elle te respecte aussi, vous pouvez construire ce que vous voulez ensemble » J.
Source: Wikipédia
Avant de commencer, je voudrais remercier J. pour son temps, sa gentillesse et sa patience.
Vous trouverez ici un compte-rendu de notre "petit" entretient dans le cadre de mes recherches personnelles. N'hésitez pas à cliquer sur les images/liens pour obtenir des données plus factuelles.
Like, commentaires, retours sont les bienvenus !
Bonne lecture !
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Pourquoi as-tu choisi l’armée ?
Alors, pour trois raisons. La première : je sortais de l’école et je ne savais pas vers où m’orienter. La seconde et la plus déterminante je pense : pas mal de membre de ma famille l’ont fait (ndlr : l’armée) avant moi et j’ai toujours eu des retours très positifs par rapport à l’expérience que cela te donne. Et la troisième : j’avais besoin de me faire bouger, au niveau caractère.
Ton caractère te posait des problèmes ? Qu’attendais-tu de l’armée ?
Et bien, disons que j’étais très con et buté. Du coup, j’avais besoin d’être droit dans mon panier, comme on dit, de ne pas dériver dans l’insolence.
Tu te rendais compte que tu « devais » changer pour avancer ?
Oui, quand-même. Je me suis remis ne cause en me posant les bonnes questions.
Combien de temps es-tu resté dans l’armée ?
Je suis resté de mes 19 à mes 27 ans. Je n’avais pas prévu que cette voix m’intéresse autant.
Comment se passe la formation ?
Il faut absolument avoir fait sa journée d’appel. Après, ma formation a duré deux ans pour moi. J’avais plusieurs choix mais j’ai choisi l’armée de terre. Après, armée de mer : je ne me voyais pas sur un bateau. Ou l’armée de l’air, mais je me voyais encore moins dans un avion.
Plus d'informations sur le site de la Défense
La journée d’appel, de quoi s’agit-il exactement ?
Peut-être que ça se dit autrement en Belgique… En gros, tu es convoqué par l’Etat pour passer une journée entière dans une caserne à apprendre les premiers gestes de secours et après, ils te font tout un blabla sur l’armée et ce que ça apporte.
Donc, les tests se passent avant ou après la journée d’appel ?
Et bien, après, oui. Tu passes des tests, écrits et sportifs.
Le second est le plus pris en compte, même si les écrits influent sur le service dans lequel tu seras affecté.
Durant ton service militaire, tu es logé dans une caserne ? Comment se passe le service en gros ? Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour toi ?
Oui, tu es logé dans une caserne et donc tu dois respecter les règles, comme le couvre-feu et la levée le matin à l’aube, quand tu n’as pas la surprise d’être réveillé en pleine nuit pour de l’exercice en condition réelle.
Le plus difficile, au début surtout, c’est de devoir répéter les efforts physiques tous les jours jusqu’à épuisement.
A quoi ressemble une journée type ?
Debout à 5-6 h, faire son lit au carré, déjeuner rapide, à 7h tu dois être dans la cour. Tu as un briefing sur ce qui t’attend et ensuite, en fonction, tu dois soit te préparer (uniforme, bottes, arme, sac) ou aller sur les lieux de l’exercice (activité physique, stand de tir ou logistique).
Le dimanche, vous pouvez sortir etc ?
Et bien, tu es libre de faire ce que tu veux le dimanche, oui.
Et par la suite, une fois en service, j’imagine que vous n’êtes pas tous les jours en mission ?
Et bien, pendant la formation, tu as quand même le dimanche pour respirer et tu rentres tous les trois mois, là ou j’étais en tous cas. Après, je suis parti, j’ai voyagé pour des missions. Je ne suis pas rentré pendant 1 an et demi. C’était long…
Un an et demi sans discontinuer ?
Et oui, un an et demi sans rentrer.
Et, durant vos missions, vous avez quand-même des instants de break ou c’est vraiment H24 ?
En mission, à part quand tu dors, tu dois être prêt à intervenir.
Partir pendant un an et demi, d’entrée de jeu, c’est chaud quand-même ? Comment fais-tu pour garder l’énergie dans ces cas-là ?
Et bien, la formation te prépare à ça. Après, je ne te cache pas que, souvent, tu es à bout, lessivé, mais tu n’as pas le choix.
Et toi, qu’est-ce qui te permettais de tenir le rythme ?
C’est une bonne question. Moi, je voulais prouver à ma famille que j’étais capable et donc, je pense, c’est surtout pour ne pas décevoir que j’ai continué, même si on m’a demandé plusieurs fois d’arrêter et de rentre.
Qu’est-ce qui t’as décidé à arrêter, finalement ?
J’ai, je pense, vu et fais pas mal de choses qui, au bout d’un moment, te font réfléchir. Et puis, bon, j’ai arrêté pour fonder une famille aussi car, malgré les années, je suis restée avec ma copine. On se voyait tous les deux mois, sauf quand je partais loin. Après, je l’avais au téléphone le reste du temps.
Je suppose que ça aide à tenir d’avoir quelqu’un ?
Oui, énormément. J’ai vu pas mal de coéquipier arrêter car ils craquaient, ne tenaient plus.
Et tu regrettes ? Ou, au contraire, tu recommencerais ?
Non, je ne regrette pas. Je recommencerais et, même, ma copine m’a toujours dis : « tu as changé en bien »
C’est aussi pour elle que je l’ai fait. J’avais besoin de ce changement, comme je te le disais.
Quel était ton grade, d’ailleurs ?
Et bien, tu démarres soldat. C’est le plus bas. Et moi, à la fin, donc à mes 27ans, je suis parti en tant que Major. Ca peut paraître impressionnant mais il y a vraiment encore beaucoup de grades après.
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Et tu as pu collaborer avec d’autres armées (d’autres pays) ?
Oui. Canada, USA, Anleterre et Slovénie.
Comment ça se passait ? C’était toujours plus ou moins pareils ? Ou certains « collaborateurs » vous ont donné plus de fil à retordre ? Y avait-il des différences notables dans vos manières de fonctionner ?
Non. Dans l’ensemble, tout le monde possédait les mêmes bases. Après, oui, certaines approches sont différentes. Il y a, par exemple, beaucoup plus de femme soldat aux USA et Canada que dans les autres pays avec lesquels j’ai pu collaborer.
Tu as gardé des contacts avec des collègues/amis ? Et peux-tu être rappelé pour le service ou plus du tout ?
J’ai gardé quelques contacts, oui. Et moi, à mon niveau, non, je ne serai pas rappelé. J’ai pris ma retraite, sauf s’il y a une guerre, c’est le cas extrême.
Et l’armée te manques parfois ?
Au début, oui, mais plus maintenant, même si j’y repense parfois.
A partir de quand l’armée peut-elle être déployée dans nos rues ? (exemple : émeutes ?)
Pour des émeutes, ce ne sera jamais l’armée, du moins pas tant que le pays n’est pas la cible directe. En revanche, à partir du moment où l’événement touche le pays en entier, l’armée peut être déployée. Par exemple pour une menace terroriste ou épidémique, comme en ce moment, si les débordements sont tels que la police ne peut pas gérer seule la situation.
Dans quelle mesure peux-tu contester l’ordre d’un supérieur ? Peux-tu seulement le faire ?
Non, tu ne peux pas. Tu dois toujours obéir, même si tu penses avoir raison.
Qu’encours-tu dans le cas contraire ? T’es-tu déjà retrouvé dans une situation similaire ?
Alors, oui, je me suis déjà retrouvé dans cette situation. Mais j’ai obéi quand même.
Pour la sanction, tout dépend jusqu’où ça va. Tu peux juste te taper des corvées ou bien être privé d’autorisation de sortie ou privé de rentrer chez toi quand le moment viendra.
Plus terre à terre : quelles armes sont utilisées le plus souvent par l’armée de terre ?
Alors, si on fait une généralité, c’est sûrement le Famas, le HK416 (un fusil d’assaut), pistolet automatique, mitrailleuses browning, le FRF2 (fusil à répétition).
Et le couteau. C’est ton meilleur outil, le couteau.


Ton équipement de base, de quoi se compose-t-il ?
Couteau, famas, pistolet et gilet par balle. Après, si tu es fantassin, grenadier, artilleur ou éclaireur, ça change.
Et toi, tu appartenais à quelle « classe » ?
Fantassin. Il faut fois ça comme des rôles. En tant que fantassin, tu es en première ligne avec les grenadiers. Ensuite, vient l’éclaireur qui a deux rôles : analyser la zone avant toi et te couvrir lors du retrait. Et les artilleurs, ce sont les gros calibres pour les assauts.
Plus d'informations sur le site de la Défense.
Y a-t-il des éléments (fonctionnement ou autre) qui t’ont vraiment surpris à ton arrivée dans l’armée ? Ou avais-tu une vision assez juste de l’expérience qui t’attendait, grâce au passé militaire de ta famille notamment ?
Pour moi, c’était assez clair dès le départ. Je savais à quoi m’attendre.
Lors de ton retour à la vie civile, qu’est-ce qui a été le plus difficile pour toi ?
Et bien, peut-être d’arrêter d’être trop strict sur certaine chose car tout doit être droit (ndlr : à l’armée). Quand tu reviens dans le civil, il faut savoir lâcher prise.
Es-tu pour ou contre un retour au service militaire obligatoire ? Pourquoi ?
Alors, oui, car ça ne ferait pas de mal à certains niveaux de l’éducation. Après, non aussi, car je pense que, si tu ne veux pas y aller de ton plein gré, tu en prendras plein la tronche et tu ne supporteras pas la pression.
Quel principe/fonctionnement appliquerais-tu à l’éducation ?
Un exemple qu’on t’apprend en caserne : sois autonome mais ne tourne pas le dos au gens qui veulent t’aider.
Il y a aussi le fait de devoir/savoir rester fidèle à une cause ainsi et respecter ses aînés.
Si tu voulais transmettre une chose de ton expérience personnelle, ce serait laquelle ?
Le respect. Je m’efforce de le dire souvent : si tu respectes une personne et qu’en retour elle te respecte aussi, vous pouvez construire ce que vous voulez ensemble. Qu’il s’agisse ton conjoint ou dans la vie de tous les jours, je pense que le respect est le plus important, de mon point de vue en tous cas.
A l’inverse, si tu pouvais changer quelque chose, ce serait quoi ? (Que ce soit par rapport à ton expérience personnelle ou au fonctionnement de l’armée (belge) en général.)
Qu’ils laissent un peu de leste car, parfois, ils sont vraiment trop durs pour rien. Et donc, même dans le quotidien, il faut parfois laisser couler un peu.
Une anecdote que tu as envie de partager ?
Des anecdotes ? Euh. Comment dire ? Il se passe plein de choses, en vrai. Je n’en ai pas une qui me vient comme ça mais, je pense juste au bizutage quand c’est ton anniversaire.
C’est-à-dire ? Chaque année, tu y as droit ?
Ouais. En gros, dans la journée, tu prends cher mais gentiment. Le soir, ou souvent le week-end, ils organisent une soirée où tu peux boire un peu, te détendre. Ca permet de créer des liens. Moi, je me rappelle, ma 3ème année, j’ai fait mon anniversaire avec des Américains et des Canadiens. C’était très sympa.
Quels sont les clichés que tu détestes sur les soldats dans les films, livres et autre ?
J’ai souvent entendu alcoolique et obsédé.
Au contraire, qu’est-ce que tu aimerais voir ou voir plus ?
Peut-être s’attarder sur le côté humain, voir toute l’aide qu’un soldat peut apporter à des personnes quand il est à l’étranger. Tu es parfois vu comme une lueur d’espoir pour certain et juste les aider leur fait plaisir.
A bon entendeur...

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