Chat!
- Alinoë
- 10 sept. 2015
- 3 min de lecture
Je l’ai tué.
Un coup à l’arrière du crâne et il s’est effondré, mollement, comme une poupée. Je pensais que ça serait plus sale, plus compliqué. Assis dans son canapé, devant son stupide match à la télé, il était si absorbé. Il a à peine saigné, il n’a même pas crié. Il s’est juste étalé en avant, emporté par son élan de joie.
« Buuuu… », a-t-il commencé.
Pof. Le silence. Aucune résistance.
Ma mère, sa blonde, ce fut autre chose. Inquiétée par la soudaine absence sonore, elle a quitté sa cuisinière pour venir aux nouvelles. Comment lui expliquer le crâne défoncé de mon père et son visage enfoui dans le saladier encore plein de chips ?
Paprika. Mes préférés.
Elle a crié. Un couinement aigu, ridicule et moche. Comme elle. Avec son tablier, sa jupette et son brushing de miss parfaite. Elle m’a fixé avec ses yeux écarquillés, arrondis par l’étonnement. Je suis plutôt sage, habituellement. J’ai pensé joué à l’innocente, d’ordinaire j’y arrive assez bien, mais la crédibilité m’aurait manqué avec le lourd bouddha en fer taché de sang entre mes mains.
Un souvenir de leur dernier voyage.
J’ai profité de sa surprise. Autant qu’elle serve à quelqu’un. Je me suis approchée, arborant mon air le plus paniqué.
« Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. », lui dis-je, mes doigts serrés sur la tête du bouddha. « Je l’ai trouvé comme ça. »
Pof. Le premier coup a atterri dans sa tempe droite, l’a sonnée un peu mais pas assez. Elle a juste tangué alors que le sang s’est mis à perler. J’ai remis le couvert, ou plutôt le bouddha, cinq, six, sept fois. Jusqu’à ce que son crâne craque, se fende, que sa mâchoire saute.
Ca a giclé. De jolies gerbes rouges sur la porte de la cuisine, le carrelage, le parquet et ma chemise de nuit de princesse. C’est dommage. Elle était chouette avec son col en fausse dentelle et son P en brillants sur ma poitrine toute plate.
« Ca va pousser. », m’a dit Clara. « Quand tu seras grande comme moi. »
Clara, c’est ma grande soeur. Elle joue à la grande parce qu’elle à treize ans. Elle croit encore que je suis un bébé, que je ne comprend rien au monde des grands. Mais elle se trompe. Je lui ai montré.
Elle était là quand je les ai tués. Dans sa chambre d’adolescente pourrie, avec ses posters de pseudo beaux-gosses totalement abrutis. Avec son Justin-chéri à fond, elle ne m’a même pas entendue arriver. La porte entrouverte, je l’ai un peu regardée se trémousser devant son miroir, jouer la star.
Pas de bouddha cette fois. Il est resté en bas. Elle a mérité une arme à elle. J’ai attendu qu’elle soit bien absorbée par sa chanson pour entrer. Je suis allée jusqu’à son lit tout en bazar pour monter dessus. Elle est grande Clara, plus que moi. Plus que ma mère aussi. Moins que papa.
J’ai pris sa tablette, cachée dans mon dos, et avec mon plus beau sourire j’ai dit :
« Clarounette ? »
Elle s’est retournée, la tête horrifiée et la main sur le coeur. Les giclées rouges, ça jure avec le rose princesse. Difficile de ne pas les remarquer. Tant pis. Je lui ai mis un grand coup d’ipad dans le nez. Crac. Ca l’a pas tuée, juste un peu étonnée et le sang a coulé vite et fort. Elle a hurlé comme une possédée.
« MAMAAAAAAN ! »
Moi, j’ai souri. Je savais que personne ne viendrait. Alors, je ne me suis pas pressée. Pour une fois que Clara voulait bien jouer à chat avec moi… Elle a beaucoup couru, vite, trop. Et puis elle s’est arrêtée, en bas, devant le canapé. Elle a pas tout de suite compris pour Papa. On aurait dit qu’il dormait la tête dans le saladier en plastique vert pomme. Elle s’est agenouillée près de lui, l’a secoué un peu. L’occasion rêvée. Je me suis approché et puis…
« CHAT ! », ai-je crié en abattant la tablette sur le sommet de sa tête.
Alinoë, 10/09/2015
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