Dead-Line

Avertissement: (oui, encore.) Il s’agit (encore) d’un texte écrit dans le cadre du Forum Jetez l’Encre, plus précisément lors de La Nuit des Plumivores de Février. Le principe est simple. A 21h, un thème est révélé. Chaque participant à trois heures pour écrire un texte. Ce mois-ci le thème était: “J’ai rencontré Sarah dans le métro. Ca a été le coup de foudre. Et si je n’avais pas pris cette ligne-là? Imaginez la suite.” Avec, comme contrainte: “Ecrivez sous forme de dialogue sans aucune narration”. Et voilà ce que ça donne:

Dead-Line 

– Elle est partie… – Sarah ? – Mh ? Oui. – Oh… Quand ? – Ce matin.. – Mh. Et…Ca va ? – ‘Fait aller. C’est pas comme si je m’y étais pas préparé. – … – Depuis le départ, y avait une date de péremption. (rire amer) – Qu’est-ce qui te fait marrer ? – Rien… Enfin, si. Je repensais juste à la toute première phrase qu’elle m’a dite. – Tiens ? Je la connais pas, celle-là. -Genre. Tu crois franchement que je t’ai raconté chaque détail de notre histoire ? – OUI ! Non ?!! Oh. (soupir) – (léger rire) Aouh ! – Alors, c’était quoi cette super phrase qui te fait tant marrer ?! – Rien… Ca n’a aucun intérêt. J’aurais mieux fait de me casser une jambe plutôt que de monter dans ce métro, t’façon. – Dis pas ça… – Pourquoi pas ?! Hein ? Regarde-moi ! Il me reste quoi ?! A part ces PUTAIN DE TOILES A LA CON !!!! … Son visage… Ses yeux qui me suivent à travers toute la maison. Brûler. Je vais toutes les cramer, tu vas voir ! Ca sera vite réglé. – Arrête, c’est bon. T’es énervé, là… – LACHE-MOI !! – … – LA-CHE-MOI ! – Ok, ok ! Comme tu veux… Euh.. j’ai l’temps de sortir avant que tu foutes le feu ou… ok, ok… Enfin, je continue de penser que c’est vraiment une idée de merde. – Je t’ai pas demandé ton opinion ! A moins que t’ai un quelconque moyen de remonter le temps ? – Pour ? – Pff. – Non, attend, reviens. Explique-toi. – T’as très bien compris. – Tu vas quand même pas tout cramer juste pour une meuf ? – C’est pas UNE meuf, je te l’ai d’ja dit ! Et puis… Rha, c’est bon ! Vas-y, dégage ?! – Non. Plus envie. Tu pourras pas assouvir tes pulsions pyromanes tant que je serai là, de toute façon. – Me tente pas… – Tu oserais ?! – Je vais m’gêner ! – Ca serait un meurtre !! – Je serai mort, rien à branler ! – Putain, c’est que t’es sérieux en plus ! Arrête ! Aaah, sacrilège ! Pas le whisky enfin ! – Dégage ! – Bon…Et…et si je te ramenais Sarah, hein ?! – Tu peux pas la ramener, personne ne peut. – Rhooo, imaginons ?!.. Ou pas… ok. Soit. Ben, imaginons alors que..ben que tu l’ai pas rencontrée, tiens ; que tu ne sois pas monté dans ce fameux métro, ce jour-là. Alors, ok, peut-être que tu ne serais pas sur le point d’incendier ta baraque… mais, honnêtement, tu crois franchement que t’en serais arrivé là ?! – Où ça, là ?! Parce que tu crois franchement que j’en ai quelque chose à foutre ? – Attend, c’est pas tout le monde qui peut se vanter de vivre de son art ! Même Van Gogh aurait tué pour être à ta place ! – J’la lui donne quand il veut… – Il s’est coupé l’oreille quand même… – C’est toujours mieux que d’avoir le coeur arraché. – Tout de suite les grands mots ! – Hin. C’est encore tellement loin de la vérité… – Pose ce briquet. – Non. – T’es pas à deux minutes près ; on peut discuter. – Ton temps est écoulé. – Quel temps ? Où ça ? Personne n’a jamais parlé de temps ! – Va-t-faire foutre… – Non mais…ah..tu..Hmpf…tu…vas me donnnner ce maaaachin oui !!! Oh ! RhaaaaaaAha ! Victoire ! – … – Hey… Non, reviens ! Tu triches ! T’as pas le droit d’aller en chercher un autre. Pris, c’est pris ! Et puis tu vas pas les cramer, enfin !?! Déjà, ça va d’office foutre le feu partouuut et, ensuite, ça serait quand même dommage que personne les voit, ces toiles. Pourquoi tu veux les cramer déjà ?! – Ta gueule !… Et arrête de me suivre comme ça, partout. On dirait un toutou… – C’est toi, qui te barre. Faut bien que je te suive pour te causer, je vais pas gueuler à travers tout le rez-de-chaussée. T’as déjà vu sa taille. – Je vis ici, je te rappelle… – Mh. Ouais. Justement. Tu te rappelles le micro-bazar ou tu vivais, avant de le prendre, ce fameux métro ? Tu préférerais vraiment revenir à c’te vie de merde ?! – Elle était pas si merdique que ça… – si… – non. – Un peu, quand-même. Admets… – J’admets rien du tout. Elle me convenait parfaitement, cette vie de merde, comme tu dis. J’avais personne à satisfaire, aucune deadline à respecter, aucun quota et pas de petit agent grassouillet parfaitement agaçant ! – Je suis pas grassouillet…Ni petit, d’ailleurs. C’est toi, qui est grand. Comme ta baraque, d’ailleurs ET ta renommée. Tu vas pas renoncer à tout ça ? – Et pourquoi pas ? De toute façon, qu’est-ce que ca peut te foutre ? Tu devrais être content, tu vas pouvoir doubler le prix de mes toiles après ma mort… -Pas faux… – … – Oui mais non ! J’admets que l’idée est tentante…Ceci dit, plus longtemps tu vis, plus tu m’en feras des toiles… Et celles-là pourraient te rapporter un beau petit pactole. – JAMAIS. Personne ne verras ces toiles… Perso…. – Arrêêêêête ! Enfin, t’es malade ? Tu devrais attendre, te poser, prendre du recule ; des vacances, tiens, pourquoi pas ? Part quelques temps, repose toi et puis, on reparlera de tout cela à ton retour.. hein ? – Y a plus rien à dire… – Je continue de penser que tu ne devrais pas faire ça. Ce n’est que mon avis… Mais je trouve ça dommage. Tu va priver le monde de son image tout ça parce que tu es incapable de la regarder en face. – Ravale tes théories de psy à la noix !! C’est facile, pour toi. Ta vie se limite à ton putain de pognon ! T’as l’empathie d’une mouche et tu oses te la jouer Freud où j’sais trop quoi ! Tu vois rien de plus dans ces tableaux que le tas de billets qu’ils pourraient te rapporter ; les gens, une jolie meuf pour orner leur salon. Moi, c’est Elle ; Sarah, son rire, ses mimiques, ses crises de jalousies… Son putain de cancer, sa lente agonie ! Putain, c’est Elle toute entière que j’y vois..Tu..Tu peux même pas saisir le dixième de ce que je te raconte. – … Moui. Y a un peu de ça… Ok, j’avoue ; j’admets, je sais pas ce qu’elle t’a fait mais… – Aimé… – Hein ? – Elle m’a aimé, tout simplement… La pire chose qui me soit arrivée… – Et la meilleure, aussi. – Les deux sont souvent liés… – Philosophe ?! – Ca m’arrive… Maintenant, va-t-en…s’il te plaît. J’ai besoin de réfléchir… – Réfléchir ?! – Oui. Réfléchir. Promis, j’y touche pas. Pas ce soir, en tous cas. – Mh. On va dire que je te crois… Je devrais peut-être rester pour la nuit…mh ? Juste au cas ou tes accès de pyromanie reviendrait. Non ?! Ok. J’ai rien dit. – Ouais, c’est ça. Dit rien. – Tu…tu vas rester là ? – Oui. Pourquoi ? Mon canapé te déplait ? – Nnnnoon. Juste…enfin, tu te sens pas un peu…mouillé ?! – Luke… – Ca va, ça va ! J’y vais ! Garde tes whisky-coussins pour toi ! Et aère ; tu vas être saoul rien qu’à respirer l’air ambiant. – Qui te dit que c’est pas l’effet recherché ?! – Hin ! – Sors. – Ouais. Bonne nuit. Si jamais t’as besoin, appelle-moi. – … – Vraiment…. Pff ! Soit. Fait comme tu le sens… – …

***

– Aa…Allo ?!? – Kate ? – Oh, Luke ?! Alors, comment il va ? – Mal. – Tant que ça ? – … – Je devrais peut-être l’appeler. – Non. – … – Tu peux rien pour lui, de toute façon. Personne ne peut… – Dis pas ça… Ecoute, je…le temps de m’habiller et… – Kate, laisse tomber. – Attend, tu m’annonces platement au téléphone que mon petit frère est au plus bas et tu voudrais que je reste là sans rien faire ? PIRE ! TU ne fais rien ! M’enfin, t’es inconscient ou quoi ? Merde ! Luke ! Tu penses à quoi ?! – … – Luke ? … T’es où ? Qu’est-ce qui se passe ? Y a des sirènes, je rêve pas ?! Luke ? Putain, Luke, répond ! REPOND ! – Tu peux me dire pourquoi personne n’a jamais réussi à mettre au point une Delorean en état de marche ? – Quel rapport ?! – … – Luke ?

Tuuut Tuuut Tuuut

Alinoë, 28.02.14

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