Sceptiquement vôtre
- Alinoë
- 22 mai 2015
- 3 min de lecture
Cher Papa,
Je peux t’appeler « Papa » ? Je sais pas. Je demande. C’est la première fois que je fais ça. D’ordinaire, je me contente des moyens classiques pour te faire parvenir mes requêtes, critiques et autres suggestions. Sauf que, voilà, tu ne m’as jamais répondu. Du coup, je me suis dit que je pouvais toujours tenter le courrier classique. Je sais, ce n’est pas très catholique….
Qui à dit que je l’étais ?
Il me reste encore un détail technique à régler : l’adresse où l’envoyer. Mais rien ne presse. J’aviserai une fois terminé. Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs, comme on dit. Et puis, tu es omniscient à ce qu’il paraît. Si tu es capable d’entendre mes prières mentales au milieu du grand boucan mondiale, tu devrais pouvoir lire cette lettre où qu’elle soit, même planquée dans une enveloppe, dans une boîte, dans une malle perdue au fin fond d’un grenier surchargé. Easy game !
C’est toi Le boss, après tout.
D’ailleurs, je suis là pour ça. Enfin, là. Rien d’extraordinaire. Je suis dans mon canapé… Donc, je t’écris pour ça, parce que je ne vois vraiment pas qui d’autre pourrait m’aider. Même toi, j’avoue que j’ai des doutes. Il y a de quoi. On ne peut pas dire que tu aies fait preuve de bonne volonté ces trente dernières années. Ma tyrannique de grande-soeur passe toujours son temps à vouloir diriger mon existence. Ma cadette me prend pour une banque. Mes parents ne se sont jamais remis ensemble. Sans parler de la paix, la faim et le malheur dans le monde dont tu sembles te moquer royalement.
Pourtant, je croyais en toi, moi.
Oui, à l’imparfait. C’est terminé. Paradoxale, étant donné que je suis entrain de t’écrire pour te demander un truc. Effectivement. Disons que c’est une sorte de dernière tentative, un dernier recours, aussi. Si tu ne réagis pas, tant pis. Je m’y ferai. Vivre sans Père, ça n’a rien de bien dramatique, surtout quand on ne le connaît pas.
Et je ne te connais pas.
C’est vrai. J’ai lu la Bible, suivit des cours de catéchisme quand j’étais petite mais, jusqu’à preuve du contraire, ce n’est qu’un recueil d’histoires, de mythes, aussi crédibles à mes yeux que ceux de la Grêce antique. Honnêtement, si tu existes, qu’est-ce que ça peut te faire qu’on prie une ou dix fois par jour ? Qu’on se rende sur son lieu de culte chaque semaine ? Tu diriges le monde, de toute façon, qu’on y croit ou pas.
Alors quoi ?
Pourquoi je fais ça ? Ca n’a pas de sens. Si tu te souciais un tant soit peu de ma petite personne, tu te serais manifesté avant. A moins que tu n’existes pas. Dans les deux cas, je n’ai strictement rien à perdre, rien à espérer non plus. Ou je suis tellement désespérée que je tente le tout pour le tout.
Au final, on s’en fout.
J’ai un truc à te demander. Après, promis, je te fiche la paix. C’est un peu con, tu verras. Rien de bien compliqué, non plus. J’ai cru comprrendre qu’il y a une limite à ne pas dépasser. Je me demande même si tu n’as pas un quota précis de miracles par année. Une sorte de jauge de mana, comme dirait les gamers.
Voilà pourquoi j’écris.
Sous cette forme, que je l’envoie ou non, ma requête reste là. Tu peux y répondre à tout moment. C’est une sorte de prière perpétuelle, sans date de péremption, juste au cas où tu existerais. On ne sait jamais. Il n’y a pas de fumée sans feu. Et, vu le nombre de concepts de dieux qui pullulent sur terre, il doit bien y avoir un brin de vérité quelque part.
Excuse-moi, je digresse.
Venons-en au fait : tu pourrais pas me rendre bête ? Je sais, ça doit sembler débile, voire complètement aberrant. Pourtant, ça n’est pas totalement insensé. Je t’explique. Dans ta Bible, il est écrit : « Heureux les simples d’esprit ! » Ce qui est loin d’être idiot. Il faut être foutrement con pour ne pas déprimer par les temps qui courent, pour apprécier la vie, profiter,… Etre heureux, quoi. Et moi aussi, je voudrais être heureuse, au moins un peu. Idiote, donc. Pas que je m’estime supérieurement intelligente, ni plus cultivées que la moyenne mais j’ai l’esprit suffisamment critique pour me rendre compte du monde de merde dans lequel je vies.
Tu vois, rien de bien compliqué, comme je te l’avais dit.
J’espère sincèrement que tu la lises, cette lettre ; que tu existes, aussi. On ne sait jamais. L’espoir fait vivre. Alors, espérons. Ca ne coûte rien. Je verrai bien ce que ça donnera.
Sur ce, je te souhaites une bonne Eternité.
Sceptiquement,
Jessica
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